Le Misanthrope

Anne nous raconte « son » Misanthrope

Le mercredi 19 novembre, 5 jours après avoir assisté à une représentation scolaire du Misanthrope, au Théâtre des Osses, la classe a eu le privilège d’un bel échange avec Anne Schwaller, la metteuse en scène.  Rassurés par la très bonne lisibilité du spectacle, les élèves ont sans difficulté embarqué dans l’univers de cette stimulante mise en scène. Attentifs à bien des détails, et interpelés par plusieurs des propositions, ils ont pu, grâce à la bienveillante disponibilité de Mme Schwaller, revenir sur divers aspects de ce spectacle.

Voici un très bref résumé des choses abordées. Entre parenthèses, nous vous indiquons où, dans le minutage de la bande son, vous pouvez aller écouter l’entier du propos. (Vous pouvez aussi, bien sûr, vous dispenser de cette lecture et aller directement à l’intégralité du document sonore).

[00’00’’] Pour commencer, Anne retrace son parcours, de collégienne à directrice de théâtre.

[03’19’’] Elle parle ensuite du travail de mise en place du Misanthrope : le processus un peu administratif avec son projet sur 3 saisons, donc 16 pièces, qu’elle a déposé auprès du théâtre des Osses, puis le choix de reprendre des acteurs avec lesquels elle aime beaucoup travailler, et enfin le travail de scénographie, commencé un an et demi avant la première.

[07’41’’]  Puis, Anne évoque les difficultés qu’elle a pu rencontrer lors de la mise en scène en elle-même.

[11’42’’] Elle raconte comment les scènes ont évolué au fil des répétitions, certaines ont été déclinées en plus de 30 versions. La scène entre Célimène et Arsinoé a été l’une des plus compliquées. 

[17’11’’] Anne parle ensuite du lien entre ses mises en scène, la place qu’y tiennent ses idées féministes et notre société actuelle.

[20’10’’] Puis elle explique son choix de rajouter des personnages à certaines scènes, comme lors du sonnet d’Oronte ou lors du bal au début.

[23’36’’] Puis elle détaille comment elle a su trouver l’équilibre entre une mise en scène du XVIIe siècle et une mise en scène plus contemporaine.

[26’31’’] Elle s’attarde sur le rôle comique de Du Bois, un personnage drôle déjà dans le texte de Molière, auquel elle se teint rigoureusement. Elle ajoute que ce personnage a pour but d’amener de la légèreté pendant la scène où Alceste et Célimène se disputent. [07/0’00’’]

[28’27’’] Ici, Anne évoque son choix de “Wild Life”, de Paul McCartney, comme musique diffusée par la radio lors de l’arrivée de Célimène.

[30’25’’] Puis Anne revient sur les ajustements éventuels à opérer : reculer les portes en plastique, et que le public puisse mieux voir le reflet des comédiens dans le miroir du bas.

[32’17’’] Elle justifie son choix de confiner les acteurs dans un petit espace,

[34’27’’] et celui de positionner une chaise dos public.

[36’09’’] Elle développe son rapport aux accessoires en évoquant la scène où Célimène se moque de tout le monde.

[38’27’’] Puis Anne parle du travail de l’éclairagiste dans le choix des couleurs par actes.

[41’56’’] Ensuite, Anne développe son choix des costumes, en lien avec le fait de mélanger les époques.

[43’02’’] Finalement, Anne décrit la place centrale qu’occupe le féminisme dans son travail : Alceste n’est pas le héros de l’histoire, elle lui préfère une femme forte.

Presque Hamlet

Par Esther Becquart et Joanne Grand

Presque Hamlet au TKM

Le mois prochain, le Théâtre Kléber-Méleau à Renens déroulera son tapis de scène pour accueillir Presque Hamlet, un ovni théâtral considéré comme un manifeste artistique intemporel, comme nous l’indique une page à ce sujet dans l’agenda culturel romand sur le site des Actualités culturelles romandes. Nous nous y rendrons le 16 décembre, guidées par la curiosité et un soupçon de perplexité devant ce titre volontairement approximatif : « presque », certes… mais à quel point ? Si, comme nous, l’idée de rencontrer un Hamlet qui n’en est peut-être pas tout à fait un vous titille l’esprit, sachez que la pièce se jouera au TKM du 10 au 21 décembre 2025. Avec un peu de chance, vous en ressortirez éclairés — ou délicieusement plus confus encore.

Presque Hamlet se présente comme une sorte de conférence-spectacle, inspirée d’une œuvre datant de plus de 400 ans dont les enjeux résonnent encore aujourd’hui, grâce au talent du metteur en scène et scénographe britannique Dan Jemmett. Sur scène, le jeu est confié à un seul comédien aux multiples facettes : le Suisse romand Gilles Privat. Après avoir incarné certains des plus grands rôles du théâtre français — d’Arnolphe à Cyrano de Bergerac — il se consacre au théâtre anglais… mais pas pour la première fois ! Créée il y a 25 ans, la pièce offre aujourd’hui au public le plaisir de la REdécouvrir.

Nous avons choisi d’aller voir Presque Hamlet, car la pièce faisait écho à notre lecture estivale de Hamnet de Maggie O’Farrell. Le roman raconte l’amour familial, mais aussi le chagrin, en mettant en scène la mort d’Hamlet, l’enfant de William Shakespeare et de sa femme Anne Hathaway. Le dramaturge aurait déposé son chagrin sur le papier, et de cette peine serait née la pièce Hamlet. Ce roman nous a touchées et a animé notreintérêt pour Shakespeare.

Le spectateur peut s’attendre à une représentation pleine de surprises, où l’humour aux éclats subtils se mêle à un rapport original au public, dans un véritable hommage à l’art burlesque, comme on peut le lire dans un dossier de presse du site Equilibre-Nuithonie. Nous sommes impatientes de voir comment Gilles Privat parviendra à incarner seul une multitude de personnages. Espérons que ce solo se transforme en triomphe plutôt qu’en tragédie…

Mitosis : an LSD Opera

Par Clemens Wellensiek et Eduard de Morais

Un Opéra stupéfiant ?

“Mitosis : an LSD Opera” est une comédie musicale contemporaine, imaginée par la chanteuse et performeuse américano-zurichoise Brandy Butler. Les représentations auront lieu du 4 au 5 décembre au théâtre de Vidy à Lausanne.

Brandy Butler est connue pour mêler musique et performance dans ses pièces. Il y a par exemple “Der Erste Fiese Typ” (2019), où l’artiste, forte d’un Bachelor en Jazz Performance à la “University of the Arts” à Philadelphie, a composé la musique. Elle a aussi obtenu un Master en pédagogie vocale à la « Zürcher Hochschule der Künste » en Suisse. Celaveut dire que le chant sera sûrement omniprésent durant la pièce.

Nous avons choisi cette pièce en raison de l’originalité du titre : “Mitosis : an LSD Opera”. Le LSD est une drogue qui est utilisée dans certains cadres de traitement pour lutter contre la dépression. Comment peut-on la lier avec l’opéra, un art a priori associé à la musique, au spectacle et au bonheur esthétique ?

Mais pourquoi le LSD ? En juillet 2022, Brandy Butler a perdu sa mère, celle-ci avait beaucoup souffert face à la réalité de la fin de vie. La mort est un sujet qui l’a beaucoup fascinée : comment peut-on se préparer véritablement à mourir ? Est-ce que la solution est la drogue ? Telle est la question à laquelle le spectacle répondra.

 Nous nous attendons donc à une pièce atypique, émouvante, et bouleversante.

La distance

Par Joanne Grand et Sarah Schwendimann

L’Espace entre nous

Le théâtre de Vidy accueillera sur son plancher, du 13 au 23 novembre, la pièce La Distance, écrite et mise en scène par le très connu et talentueux Tiago Rodrigues, grande figure du théâtre contemporain.

Dans cette pièce, Adama Diop et Alison Dechamps joueront la fille et son père, séparés par des millions de kilomètres. En effet, l’intrigue se déroule en 2077 lorsque les humains auront su transformer les films de science-fiction en réalité : la moitié des hommes se sont désormais établis sur la planète rouge tandis que l’autre partie, fragile et précaire, est condamnée à errer sur la planète bleue. Les quelque 225 millions de kilomètres séparant le père et la fille représentent un obstacle quant à leur communication. Comment continuer à maintenir une relation quand autant d’étoiles que de kilomètres nous séparent ?

Cette pièce nous a intriguées, tout particulièrement en raison de son metteur en scène. Notre professeur de Français nous avait mentionné son nom après être allé voir Catarina et la beauté de tuer des fascistes. Nous avons trouvé son œuvre originale et notre professeur a réussi à éveiller notre curiosité.

En quelques clics, nous avons constaté la célébrité de Tiago Rodrigues puisque le Portugais est le président du festival d’Avignon ! Nous nous attendons donc à une grande performance. Nous espérons que la pièce abordera des thèmes actuels, comme le changement climatique, même si l’intrigue se déroule dans le futur. Nous nous attendons à être touchées car des millions de kilomètres ne sont pas nécessaires pour défaire des liens et mettre à mal une relation…  Nous sommes curieuses de savoir comment la pièce et sa configuration seront amenées et comment la relation entre le père et sa fille se développera.

Le 15 novembre prochain, nous nous envolerons pour Mars et ses déserts. Suivez notre odyssée, Terriens !

La plus grande distance, c’est l’oubli

Voilà un jour qui s’est écoulé depuis notre venue au théâtre de Vidy pour assister à la pièce La Distance. En rentrant chez nous, nous nous sommes senties chamboulées, bouleversées et un tas d’émotions faisaient tempête en nous, comme une tempête de sable sur la planète mars. Nous nous sentions tristes. Etrangement, nous nous sentions connectées avec les autres spectateurs. Il était réconfortant de voir des personnes chamboulées et, pendant une heure et demie, un lien s’est créé. Nous étions aussi apaisées, tout comme Ali, médecin resté sur terre, et père d’Amina, partie sur mars pour devenir une Oubliante.

En entrant dans la salle, la scène était plongée dans la pénombre, mais nous pouvions tout de même distinguer, au centre du plateau, un cercle de terre aride. Celui-ci était divisé en deux parties égales par un large arbre couché et un relief rappelant les collines martiennes. Le comédien Adama Diop, qui joue le père, se trouvait déjà sur scène, ce qui est plutôt inhabituel. Il était déjà immergé dans son rôle, serein, et écoutait un disque offrant aux spectateurs une ambiance de jazz.

Puis silence. La pièce débute. A ce moment-là, les lumières ne sont pas encore complètement éteintes, mais tamisées, avec des couleurs chaudes. Chaque spectateur attend avec impatience les mots du père. Il s’adresse à sa fille dans un message vocal, posant toute l’intrigue : sa fille s’est rendue sur mars, pour oublier le passé et se concentrer uniquement sur une nouvelle humanité. Tout comme le père, le spectateur se demande pourquoi. Dès la première réplique, nous sommes prises dans l’intrigue. Nous voulions absolument savoir. Pourquoi ? Pourquoi ? Pourquoi avoir quitté la terre pour s’embarquer dans une odyssée spatiale à la Ray Bradbury sans même prévenir son père. On apprend bien vite que sa fille est avant tout une jeune femme libre qui regarde encore plus loin que l’horizon, comme lorsque, petite, elle s’aventurait dans l’immensité de la mer sans prêter attention aux dangers du monde. Leur relation est tumultueuse et il n’a pas été nécessaire de quitter la terre pour créer une distance. Puis le cercle se met à bouger sur lui-même et nous faisons face à Amina et au décor martien. Toute l’intrigue est basée sur ces deux personnages qui sont si proches l’un de l’autre sur scène et en même temps séparés par des millions de kilomètres.

La vie sur mars est austère : aucun oxygène, aucune sortie libre en dehors de ces couloirs souterrains et, comme seule musique, un son de frigo comme un bourdonnement continu (que le spectateur entend tout au long de la pièce). A travers leurs échanges, les deux personnages se disputent sans même réellement s’écouter, pendant que la plateforme continue de tourner sur elle-même. L’un pose une question, l’autre ne répond pas. Le seul moment où la plateforme s’arrête de valser est lorsque la fille rêve de son père. Dans un moment suspendu, les limites physiques se brouillent et les deux s’étreignent. Même si cet amour est difficile, celui-ci est infini et constant.

 Il y eut aussi ce moment très fort où la terre et mars se trouvaient sur le même axe et que la communication entre le père et la fille allait devenir impossible. A ce moment-là, la scène tournait à toute vitesse, nous faisant ressentir le temps qui avait filé trop vite et qu’il était maintenant trop tard. Pour accompagner cette scène, un projecteur à lumière orange était braqué dans la direction des spectateurs. Presque éblouies, nous pouvions ressentir ce que les deux personnages vivaient.

Le jeu d’acteur était vraiment impressionnant ! Les deux personnages arrivaient à nous faire ressentir les mêmes émotions qu’eux, ce qui nous maintenait constamment dans l’intrigue. Le fait d’avoir une scène qui tourne devait être un vrai défi pour les deux acteurs et la production, mais tout était parfaitement exécuté, comme une danse.

La Distance est donc un réel succès autant du côté du contenu de la pièce, riche en émotions, qui thématise les liens familiaux (ici plus particulièrement le lien père–fille), que du côté du jeu d’acteurs renversant. Le spectateur n’en ressort pas indifférent et avec une petite larme au coin de l’œil. Si vous souhaitez aller voir la pièce (ce que nous vous recommandons), alors sortez les mouchoirs!

Adama Diop avant le commencement de la pièce

Toute intention de nuire

Par Thelma Morel et Marine Siegenthaler

Procès d’une plume libre

La salle Nuithonie à Villars-sur-Glâne propose une pièce qui questionne la liberté d’écriture. Les représentations auront lieu du 13 au 15 novembre et c’est le talentueux Adrien Barazzone, qui a écrit et mis en scène ce procès : Toute intention de nuire.

C’est le titre du spectacle, débordant de suspens, qui a attiré notre regard et qui a titillé notre curiosité.

Le spectacle recèle une forme inhabituelle : il est la reconstitution du jugement qui oppose une auteure à un avocat. 

Le professionnel du droit commet l’erreur de livrer ses secrets à l’écrivaine. Quelque temps plus tard, il retrouve des échos de son histoire dans un livre récemment publié par celle-ci. Cela nuit non seulement à sa vie professionnelle, mais aussi à sa sphère personnelle. De là, s’ensuit une lutte juridique entre les deux protagonistes.

Ce sont les acteurs Alain Borek, Marion Chabloz, Mélanie Foulon, et David Gobet qui se livreront à l’interprétation de cette audience.

Ce spectacle plongera sûrement la salle dans un questionnement concernant les limites de l’expression en littérature : celle-ci a-t-elle tous les droits ?

Le pessimisme du titre nous met en garde : sachant qu’il s’agit d’une affaire juridique, qui sera la victime ? Celle qui, dans son roman, rabaisse l’homme de loi, ou celui qui accuse, potentiellement à tort, la femme de lettres ?

Nous nous attendons à un débat haut en couleurs et fort en émotions. Cela risque d’être aussi foisonnant de rebondissements qu’il y a de lois dans notre code civil. Nous avons hâte de découvrir comment Adrien Barazzone incorpore son mélange de finesse, de tension et d’humour dans cette enquête vivante.

Quel sera le verdict ?

Quand l’ironie prend le marteau du juge

Ce procès, qui devait opposer la liberté d’expression et la protection de la vie privée, met en lumière les conséquences que de simples suspicions peuvent avoir sur la vie de quelqu’un, ainsi que les responsabilités qui en découlent. Selon Alexandre, le personnage de Bel dans le roman « Marcher sans craindre le ravin » lui ressemble, autant sur le plan physique que moral. De plus le roman trahit le fait que Bel ne serait pas le véritable père de sa fille. Ce secret, appartient également à Alexandre. Il l’avait confié à Pauline, l’autrice, quelques années auparavant. Après avoir dévoré le roman et découvert la vérité, la fille d’Alexandre refuse de lui adresser la parole, et la femme de ce dernier demande le divorce. Il accuse donc l’écrivaine d’avoir dévoilé une partie de sa vie privée et d’être responsable de ces tensions familiales. Evidemment, Pauline dément les accusations. Il est difficile de trancher car la juge doit s’appuyer sur la Jurisprudence et tenter de faire apparaître la vérité, avec pour preuves de simples passages du roman et des témoins incapables de répondre aux questions.

A notre grande surprise, Adrien Barazonne a choisi de tourner la forme stricte d’un procès en une situation absurde. Tout était moqueries et caricatures, des caractéristiques qui ne trouvent habituellement pas leur place dans le domaine du droit. Pour illustrer ceci, nous avons relevé quelques exemples. Lorsque la juge a demandé à l’assemblée de s’asseoir, personne n’a daigné lui obéir, et la magistrate n’apportait, par exemple, pas d’importance au fait de devoir jurer de dire la vérité. L’avocat de la défense ne posait aucune question pertinente et était loin de se donner corps et âme pour défendre sa cliente. Les témoins n’offraient aucune réponse satisfaisante et préféraient s’étaler sur des sujets qui ne facilitaient nullement l’enquête. La juge et l’avocat ont même fini par échanger leur place, donnant l’impression que seuls l’accusée, Pauline Jobert, et le plaignant, Alexandre Badadone, se souciaient réellement de l’affaire.

L’immersion dans l’ambiance a été immédiate : aucune ouverture de rideau ou extinction de lumières ne pouvaient témoigner du début du spectacle, ce qui a éveillé notre surprise. Tels les jurés, nous étions toujours en lumière lorsque la juge a fait son entrée, suivie des différents partis, avant de préparer ses pièces à conviction et ses dossiers.

Quant au décor, il était très minimaliste. L’architecture était une copie de tribunal, agrémentée d’éléments abstraits : un squelette métallique habillé de planches de bois formait la base classique qu’on retrouve dans un palais de justice, ainsi que les éléments essentiels, tels que la barre des témoins. Des rideaux blancs pendaient derrière la structure, comme pour restreindre la scène.

Les jeux de lumières étaient peu présents, ce qui donnait une impression de monotonie. Sur toute la durée du spectacle, celle-ci se tamisait, nous emmenant doucement dans la fiction. Vers la fin, quelques projecteurs éclairaient les scènes se rapportant au livre de Pauline, avant de plonger les spectateurs dans le noir, pour inviter aux applaudissements. Selon nous, cela créait un parallèle entre la salle éclairée du début, représentant le domaine juridique, et la salle plongée dans le noir, illustrant une fin théâtrale.

Le son était également peu présent, excepté quelques bribes de musique lors des différents témoignages, ainsi qu’un chant italien, qui nous a paru étranger au contexte. 

Au terme du spectacle, les applaudissements ont accueilli les acteurs avec un enthousiasme troublé d’incertitudes, suite à l’omission du verdict. Nous sommes reparties en plein débat, aux vues de la tournure inhabituelle qu’avait ce procès. Nous avons aimé ce moment riche, satisfaisant, qui nous a fait beaucoup réfléchir.

Adrien Barazzone est connu pour sa capacité à maitriser l’ironie au sein de ses œuvres. En effet, nous avons retrouvé sa marque de fabrique tout au long de la pièce. Entre son texte humoristique et les personnages caricaturés, truffés de divers accents, de mimiques et d’une gestuelle exagérée et munis d’accessoires clichés : l’humour était au rendez-vous. Ce goût de la mise en scène dynamisait les monologues, le manque d’éléments découverts concernant l’avancée de l’affaire ainsi que la forme peu entrainante qu’on retrouve habituellement au tribunal.

Nous souhaitons souligner le remarquable jeu des différents acteurs, qui ont tous interprétés entre deux et trois rôles. Ces changements de personnages étaient marqués par des changements de costumes et d’accessoires, effectués sur la scène.

La pièce interroge la frontière entre l’intention et la responsabilité, montrant à quel point de simples suspicions peuvent bouleverser des vies. Elle met en lumière le poids du regard social et moral, qui peut condamner avant même qu’un verdict ne soit rendu.  En laissant ce procès sans conclusion, la pièce souligne l’ambiguïté de la justice et de la vérité, ainsi que la difficulté à trancher.

Ami(s)

Par Arthur Dumont et Antoine Auer

Là-haut sur la montagne…

« Ils sont deux, dans un téléphérique suspendu à un fil. L’un est une star. En pleine crise existentielle, il cherche le silence et un sens à sa vie. L’autre est un admirateur, ordinaire, invisible. Le hasard les réunit là, au-dessus du vide, au milieu des va-et-vient de skieurs huppés. Le hasard ? Pas sûr. Car le fan de la première heure est venu demander des comptes à celui qui l’a toujours ignoré… »

Ainsi commence le synopsis de Ami(s).

Nous avons choisi ce théâtre, Ami(s), car ce synopsis nous semblait intéressant et nous connaissions déjà les comédiens, Thierry Romanens, qui est à la radio, aux Dicodeurs, et Nicolas Rossier (un ancien du collège) qui a joué dans toute la francophonie et qui est une figure du théâtre suisse.

Nous pensons donc que ce théâtre aura de l’humour, de l’extravagance et qu’il saura nous étonner. En outre, ce « s » entre parenthèses, est intrigant : qu’est-ce que cela signifie ? Comment va-t-il être intégré à la pièce ?

Nous pensons que le « s » représente l’ambiguïté entre la vie d’une star et la vie quotidienne, où la vie d’une star est idéalisée. Et même un sentiment de proximité avec une star peut être ressenti. L’amitié peut donc être unilatérale ou bilatérale.

L’autrice de cette création est Yasmine Char qui a déjà reçu nombre de prix. Elle est née à Beyrouth et a vécu dans le monde avant d’arriver en Suisse en 1993. La metteuse en scène, Sandra Gaudin, est née à Lausanne et jouit d’une réputation qui s’étend au-delà de nos frontières. Le journal Le Temps écrit que ses spectacles sont des « jeux de société, avec leurs règles secrètes, leurs coups de dés providentiels, leurs trappes impromptues, leurs gambades surprises», ce qui titille notre curiosité. Nous attendons donc de confirmer cela.

Représentations : 6 et 7 novembre 2025, 20h00, durée : 1h20

Une télécabine qui monte… sans nous embarquer

Une télécabine est placée en milieu de scène. Elle y restera durant l’entier de la représentation. Bien qu’elle ne se déplace pas, des mesures sont prises pour donner le sentiment de mouvement au spectateur. La cabine peut effectuer des rotations autour de son centre, et un écran dans le fond de la scène a été disposé pour mimer son déplacement le long de sa remontée.

La lumière froide, très simple, éclaire entièrement la scène. Cette neutralité de la lumière reflète la froideur des personnages au début de la pièce ; en effet, ils ne se parlent pas pendant la première partie du spectacle. Ce n’est qu’à partir du moment où la cabine se stoppe que le jeu de lumière change, reflétant les actions des personnages. La lumière, tantôt froide quand les personnages se confessent, tantôt chaude quand les personnages sont heureux, projette alors des formes de couleurs sur le sol. Ce jeu des formes contraste avec le reste du temps, car c’est la première fois que la lumière change drastiquement. Ceci provoque chez le spectateur un agréable effet de surprise.

La pièce commence par un jeu sonore : la star est en train de téléphoner avec une voix qui grésille, puis la batterie se vide et la voix de l’acteur résonne. Ce petit effet, qui pourrait paraître anodin, installe une proximité entre le spectateur et le personnage en laissant la voix naturelle sans amplification. Ensuite, au moment de la panne, un interphone intervient et accentue l’étrangeté de la télécabine. Cet interphone devient alors le centre de l’attention, ce qui est souligné par une projection de la cabine sur le fond. Quand le guide chante, nous avons été surpris par cette arrivée inattendue du chant dans l’atmosphère posée jusqu’ici. Nous avons trouvé en outre que les différents effets sonores étaient trop amplifiés et que cela cassait la magie du spectacle.

Les protagonistes principaux sont vêtus pour l’un d’un accoutrement assez basique qui reflète une certaine aisance financière. L’autre porte des habits de montagne et un sac à dos qui contient des accessoires assez attendus. Cette différence de costumes nous a permis d’identifier rapidement les différences sociales entres les deux personnages. Les autres personnages sont apparus eux aussi presque caricaturés : avec un manteau de fourrure blanc pour l’une, et un accoutrement de snowboard pour l’autre. Selon nous, les différents accessoires étaient plutôt banals.

Malgré le discours et le message sur l’amitié qui a réveillé en nous un questionnement (qui sont nos véritables amis, qu’est-ce que la réussite dans la vie ?), nous demeurons mitigés quant à cette représentation : nous avons trouvé le début long et avons même décroché à plusieurs reprises.

Nous n’avons franchement pas compris la signification du « s » entre parenthèses. Nous n’avons que des hypothèses du type : nous n’avons qu’un véritable ami, ou « l’amitié ne va que dans un sens »…

L’extravagance attendue n’était pas au rendez-vous, ce qui nous a un peu déçus. La mise en scène était simple, et la pièce, de manière générale, paraissait presque trop simple. Nous avons parfois ri, mais l’humour était, au final, que très peu présent. Nous n’avons pas réussi à déceler les éventuelles subtilités de la pièce, ce que nous avons regretté.

In bocca al lupo

Par Baptiste Rittener et Clemens Wellensiek

Entre crocs et frissons

Du 30 Octobre au 14 Novembre se jouera la pièce In bocca al lupo au théâtre de Vidy. Cette pièce abordera le sujet très délicat du loup en Suisse, entre le sauvage et l’élevage. Ce débat très actuel secoue la Suisse, les écologistes promouvant la santé de l’écosystème et les agriculteurs tentant de sauver leurs bêtes.

Le titre de la pièce, In bocca al lupo (dans la gueule du loup), est une expression utilisée en Italie dans le milieu du théâtre pour se souhaiter bonne chance avant de monter sur scène. On se jetterai dans la gueule du loup comme on se jette devant le public. Comme ce jeu de mots l’indique, cette pièce a pour but de fusionner le théâtre et la thématique du loup. La pièce inclura donc une installation vidéo, un médiateur transdisciplinaire, et d’autres éléments surprenants.

La metteuse en scène, Judith Zagury, a l’habitude de travailler avec des animaux. En collaborations, elle a amené sur scène plusieurs animaux avec Être Bête(s),un cheval avec Hate, et même deux poulpes avec Temple du Présent. Cette fois-ci, c’est en metteuse en scène qu’elle va tenter de créer cette connexion entre le monde animal et le monde des humains.

En 2017, Judith Zagury a créé ShanjuLab, un « laboratoire de recherche théâtrale sur la présence animale ». C’est un pôle de création artistique qui explore le contact avec les animaux sur les plans de l’éthique animale et de l’éthologie. Dans son espace à Gimel, vers Morges, le poulailler, le parc des chèvres, et celui des chevaux cohabitent avec le monde humain.

Ce n’est donc pas se créer de faux espoirs que de s’attendre à une présence animale sur scène, notamment des chiens de troupeau se baladant entre les câbles des ordinateurs. Ce sera sûrement très intéressant d’observer le comportement de chiens sur scène. Vont-ils aboyer lorsqu’une vidéo de loup sera diffusée? Comment vont-ils interagir avec les acteurs? Perdent-ils leurs repères sur ce lieu qui leur est étranger? Pour répondre à ces questions, rendez-vous à Vidy pour vivre une expérience unique en son genre !

Une pièce qui vous dévore de l’intérieur

La question du loup, sans doute une des plus épineuses et émotionnelles à laquelle la Suisse fait face, a été mise en scène au théâtre de Vidy dans In bocca al lupo. Très loin du théâtre classique, cette pièce peut être qualifiée de documentaire immersif dans le monde animal. Immersif au sens scénographique, avec des vidéos projetées à 360 degrés autour du spectateur, au sens physique, avec le public qui peut s’installer sur la scène, et au sens animal, avec la présence de trois chiens de troupeau.

Cette pièce est avant tout un véritable travail de recherche qui se veut le plus neutre possible. On passe en effet d’audios d’agriculteurs emplis d’émotion à un médiateur entre le monde animal et humain, puis enfin apparaît le loup lui-même. Cela permet vraiment au spectateur d’avoir une vue d’ensemble de la question. De plus, la journaliste qui tape en direct les informations sur le loup donne un côté encore plus factuel à ce sujet.

C’est également un chef d’œuvre au niveau cinématographique. Judith Sagury nous a confié avoir travaillé des heures et des heures pour sélectionner les images et les vidéos les plus pertinentes. Le résultat permet au spectateur d’observer, à travers les caméras, la vie animale. Les plans choisis sont remarquables : au lieu de filmer depuis le haut une vache tuée par un loup, la caméra part à quelques millimètres de la bête tuée et recule ensuite lentement jusqu’à ce que le public reconnaisse la carcasse. Cela ajoute un côté écœurant, c’est très bien pensé. Les caméras pièges permettent également de s’immiscer dans la nature et la vie des loups. Ceci permet au spectateur de voir les interactions au sein de la meute et avec d’autres animaux, comme les vaches ou les biches.

Ce qui rend cette pièce unique, c’est également la présence de chiens de troupeau sur scène. Cela pose des questions éthiques : pourquoi diabolise-t-on les loups et aime-t-on les chiens, alors que sur le plan biologique ils sont cousins ? Avons-nous le droit de les dresser les uns contre les autres ? Ce sont des questions qui méritent d’être posées.

L’intérêt réside aussi dans le fait d’avoir introduit les chiens dans un environnement qui ne leur est pas naturel. Cela amène à des interactions intéressantes entre les chiens et les éléments qui les entourent, comme lorsque ces derniers aboient quand un loup passe à l’écran. Une tension est ainsi créée : on voit le loup approcher, un chien hurle, les autres le suivent, on se croirait véritablement dans une forêt. Les chiens ajoutent également une touche légère au spectacle qui aborde quand même une thématique lourde. Ils font sourire les visages des petits et des grands par leurs jeux et par leurs personnalités uniques qui rapprochent le monde animal au monde humain.

In bocca al lupo est donc une véritable réussite, car le sujet est abordé de manière neutre, sans aucun côté donneur de leçons. Contrairement aux tabourets, la pièce, très bien structurée, tient très bien debout. L’atmosphère singulière créée par Judith Sagary et son équipe immerge le public dans cet univers, de sorte que le spectateur n’en ressort pas indifférent.

Bovary Madame

Par l’ensemble de la classe

Toute la classe a assisté à la représentation du 25 septembre 2025. Les élèves en sont ressortis surpris, à la grande majorité agréablement.

Très attentifs au dispositif original qui enveloppe le spectateur, les élèves ont aussi été sensibles à la multiplicité des langages scéniques. Ils ont bien perçu comment les projections vidéo donnaient accès aux hors-scènes (coulisses, paysages, souvenirs…), comment elles permettaient d’exhiber des détails du plateau (la larme de Rodolphe), comment elles doublaient et complétaient le spectacle vivant (la chevauchée d’Emma), ou encore comment elles multipliaient les points de vue (la calèche). Ils ont aussi relevé combien les rôles traditionnels étaient « floutés » : les personnages se faisaient parfois spectateurs des scènes et, à l’inverse, certains spectateurs devenaient acteurs d’un tableau.

Voici, en vrac, et sur un canevas grammatical convenu, leurs réactions de lecteurs du roman confrontés à cette proposition dramaturgique :

« J’avais lu l’entier du roman et j’ai préféré la pièce au livre : c’était plus léger, moins long que dans le livre. » (Julie)

« J’avais lu tout le livre et j’ai apprécié comment ils ont montré le côté ridicule du personnage de Charles, ainsi que le côté orgueilleux et risible de Rodolphe. J’aime aussi la fin où Emma continue de vivre au lieu de mourir. » (Joanne)

« J’avais lu quasiment tout le livre et j’ai beaucoup aimé comment certaines scènes, comme celle des comices, ont été retranscrites. » (Marine)

« J’avais lu les deux premières parties et j’ai trouvé les scènes avec Charles très fidèles au livre : il était ridicule et parlait doucement, comme je l’imaginais. » (Eduard)

« J’avais lu les deux premières parties du livre et j’ai trouvé que le spectacle correspondait bien au livre. J’ai beaucoup aimé ce spectacle, même si la fin était un peu longue. » (Sarah)

« J’avais lu les deux premières parties. Si on lit le livre sans y prêter vraiment attention, on passe à côté de plein de sous-entendus qui sont bien représentés dans le spectacle, souvent exagérés, ce qui apporte beaucoup d’humour. » (Thelma)

« J’avais lu les deux premières parties et j’ai été agréablement surpris par l’accessibilité de la pièce, pièce que j’ai trouvée plus entraînante que le roman. » (Julien)

« J’avais lu la moitié du roman et j’ai adoré le spectacle. J’ai su retrouver des citations du livre, ce que j’ai trouvé génial. » (Antoine)

« J’avais lu jusqu’à la scène des comices et j’ai trouvé que le roman prend vie dans le présent. Les représentations que l’on se fait sont tout à fait similaires aux tableaux qu’on voit (par exemple, la maison des Bovary). » (Esther)

« J’avais lu jusqu’aux comices agricoles et j’ai beaucoup aimé retrouver l’opposition entre réalisme et romantisme. » (Baptiste)

« J’avais lu la première partie et j’ai trouvé la pièce complètement abordable : sans avoir lu, on comprend tout. J’ai aimé la pièce pour son originalité et sa diversité. » (Candice)

« En sortant du spectacle, j’étais content, parce que ça faisait longtemps que je n’avais plus tellement ri durant une pièce de théâtre. » (Clemens)

« Je n’avais pas commencé à lire le roman et j’ai beaucoup aimé le spectacle. » (Arthur)

Cure (Girls)

Par Antoine Auer et Arthur Dumont

5 femmes et une réalité

La pièce Cure (Filles) sera jouée au théâtre de Vidy du 3 au 8 octobre 2025 et dure environ une heure. Le collectif croate « Kolektiv igralke », composé de 4 femmes toutes diplômées du programme « Acting and Media » de l’Académie des arts appliqués de Rijeka, invite, à chacune de ses productions, une metteuse en scène afin de redécouvrir la création et les formes théâtrales. Cette fois c’est Tjaša Črnigoj qui est invitée. Tjaša Črnigoj a étudié la philosophie et la littérature à l’université de Ljubljana et elle a reçu le prix Župančič, le prix le plus prestigieux de la capitale slovène. Le « Kolektiv igralke » est très engagé sur les plans social et féministe, avec des productions entre théâtre et sciences sociales.

Il présente ici un théâtre sur 3 générations de femmes qui racontent leurs conditions dans le contexte de la Croatie et de la Yougoslavie. Elles abordent toutes sortes de sujets comme la sexualité, le passage à l’âge adulte, etc.

Nous serons dans la salle le 7 octobre prochain. Nous nous attendons à un théâtre où les actrices vont beaucoup parler et raconter, dans un spectacle bien sûr très engagé sur la condition féminine actuelle et passée. La mise en scène saura certainement nous surprendre, bien que nous puissions penser à une mise en scène assez épurée au vu des clichés disponibles sur la pièce.

Nous avons choisi ce spectacle car nous voulions découvrir une nouvelle culture et, puisque la culture slave nous est étrangère, quoi de mieux que d’aller voir une pièce qui parle de cette culture. En tant qu’hommes blancs suisses, la question féminine dans d’autres cultures nous interpelle. Ceci nous a encouragés à aller voir cette pièce.

Ne fuis pas, bats toi

Le théâtre se finissant, nos réactions ont été directes : ce fut un spectacle intéressant avec un message fort et dans lequel nous avons beaucoup appris.

Les comédiennes ont évolué tout au long de la représentation vêtues de robes traditionnelles de leur région d’origine : la Croatie. Le décor, quant à lui, était constitué d’un plateau blanc sur lequel ont été disposés, tout au long de la pièce, plusieurs panneaux portant des dates, accompagnés par plusieurs objets représentant l’histoire associée. Le tout a également, à de multiples reprises, été accompagné de faux sang, élément principal de la pièce.

Dans cette pièce, la dimension sonore est majeure, avec des musiques qui reviennent, comme des musiques traditionnelles croates ou, au contraire, des musiques modernes qui soulignent le contraste entre le propos moderne et les décors et costumes plus traditionnels. Les comédiennes nous parlent avec leurs voix naturelles, ce qui rend toute la pièce plus intime. Nous avons particulièrement aimé le fait que les actrices brisent aussi le 4ème mur et commencent la pièce en rendant le public attentif au « son » de la ville. À tout cela s’ajoutent les interviews des différentes femmes dont on apprend les histoires par la diffusion dans toute la salle.

Les lumières, quant à elles, ont évolué durant la représentation : quand des histoires étaient racontées, les lumières, orientées sur le côté, étaient simples et donnaient une ambiance chaude. Au contraire, quand des informations générales étaient expliquées, la lumière était souvent plus forte et plus froide.

Sur le mur opposé au public ont été diffusées, tout au long de la pièce, des images et vidéos représentant les personnes mentionnées dans le texte.

Bien que nous ayons beaucoup apprécié cette représentation, nous ne la recommanderions pas à une personne dérangée par des discussions d’ordre sexuel ou atteinte d’une forme d’hématophobie. En effet, les deux éléments, très présents tout au long de la pièce, pourraient poser un problème à certaines personnes.

Les différents aspects de la pièce se mariaient bien ensemble et la diffusion des interviews et photos permettaient de donner une impression de proximité avec le récit. Les différents jeux de lumières soulignaient le propos et permettaient au spectateur de mieux ressentir l’histoire. La proximité a aussi été favorisée quand les comédiennes ont commencé à jouer autour de nous et à sortir du plateau pour se rapprocher.

Pour finir, si vous avez un quelconque intérêt pour la découverte de la condition féminine dans une culture différente de la culture locale ou si vous voulez simplement passer une heure pour découvrir un style de représentation auquel nous sommes très peu habitués, nous ne pouvons que vous conseiller ce spectacle.

Intolérances & Paralysie

Par Julien Richoz et Baptiste Rittener

Le manque de tolérance peut-il nous paralyser ?

Du 25 septembre au 12 octobre 2025, le Théâtre des Osses à Givisiez accueillera la pièce  Intolérances et Paralysie , une création mise en scène par Anouk Werro. Le titre, à lui seul, intrigue : il associe deux noms, deux concepts qui n’ont a priori aucun lien, c’est pourquoi nous avons choisi cette pièce dont les comédien(ne)s nous sont inconnus.

Le site du théâtre des Osses résume ainsi la pièce :

« Une jeune femme, Louise, vit en colocation dans la banlieue de Londres, dans une grande et très belle maison. Un jour, à son retour, elle découvre la porte entrouverte. Depuis le couloir, elle aperçoit la cuisine saccagée : nourriture renversée, micro-ondes fracassé et frigo ouvert. Elle pense à un cambriolage, mais un bruit étrange, un ronflement, la conduit à une scène inattendue. Monika, la femme de ménage, est étendue sur la table… »

Il y a probablement une forme de déception dans cet extrait. Le spectateur s’attend à vivre un moment d’action, en l’occurrence un cambriolage, mais la réalité est pour le moins assez déroutante…

Peu d’éléments ont été dévoilés sur le contenu précis de la pièce. Toutefois, plusieurs pistes apparaissent déjà. Le spectateur peut s’attendre à une atmosphère singulière, qui, comme l’indique le titre, sera marquée par des situations de crise et des personnages en perte de repères. L’écriture, décrite comme fragmentée et rythmée, semble vouloir traduire le désordre des pensées et l’impossibilité de communiquer simplement.

Il s’agit de la deuxième pièce montée par Anouk Werro, après  A 5 ans, j’ai oublié le français . Comme cette dernière, cette performance théâtrale ne sera certainement pas confortable pour le spectateur. On peut s’attendre à être bousculé et à se questionner sur la communication entre les individus. Alors attendez-vous à un rendez-vous qui s’annonce à la fois déroutant et stimulant.

Figés devant l’injustice

Surpris, désorienté, paralysé. Tel est l’état du spectateur en sortant de la représentation d’Intolérances et Paralysie, d’Anouk Werro. Il vient en effet d’assister à une pièce déroutante, autant par le message qu’elle véhicule que par son interprétation théâtrale et sa mise en scène atypiques. Une pièce où les inégalités sociales pointées du doigt ne peuvent laisser indifférent.

Deux projecteurs face à face, quelques néons, deux haut-parleurs et un plateau surélevé au milieu d’un cercle de chaises. Dans l’obscurité, un lourd silence règne, puis les deux comédiennes entrent en scène.

La pièce tourne principalement autour de la question des inégalités sociales, illustrées par la figure de la femme de ménage. Une jeune étudiante, Louise, rentre chez elle, une magnifique maison victorienne. Là, elle découvre sa femme de ménage, Monika, affalée sur la table de la cuisine, inerte. Cette dernière finit par se réveiller et s’explique : elle a fait un malaise, causé par un sentiment d’impuissance et d’injustice. Elle confie à l’étudiante que même en travaillant toute sa vie dans cette maison, elle ne pourra jamais se la payer. Cette déclaration provoque un malaise palpable dans le public.

D’un côté, une femme qui se bat, qui travaille inlassablement pour gagner sa croûte ; de l’autre, une étudiante dont le riche père finance une maison luxueuse. L’étudiante ne devrait pas être « au-dessus » de la femme de ménage, et pourtant, elle l’est : c’est précisément cette injustice qui dérange.

Pour faire passer ce message, la metteuse en scène, Anouk Werro, a habillé l’étudiante de bottes à la mode et de plusieurs couches de vêtements, soulignant ainsi sa situation financière confortable, créant du malaise. Ce qui donne un relief particulier à cette pièce, c’est qu’elle s’inspire d’une expérience réelle vécue par la metteuse en scène. En effet, Anouk Werro nous a confié avoir un jour retrouvé sa propre femme de ménage inerte dans sa cuisine. Ce choc lui a inspiré la création de cette œuvre, la rendant d’autant plus percutante et touchante. Une chose est sûre : le message passe.

Cependant, la pièce ne se limite pas au seul thème de la femme de ménage. Après cette scène initiale, une parenthèse singulière s’ouvre : les néons blancs, seuls éclairages de la pièce, passent au rouge, créant une atmosphère mystique. Les deux comédiennes quittent alors la scène, laissant le public livré à lui-même, tandis que des sons de vaisselle envahissent la salle. Ce moment suspendu dure de longues minutes ; peut-être symbolise-t-il la monotonie des tâches ménagères, mettant ainsi le public à la place de la femme de ménage ?

Un certain nombre d’autres scènes, dérivant de l’histoire principale, viennent également s’immiscer dans l’intrigue. Le but ? Créer, une pièce politisée, abordant non seulement les inégalités sociales (comme mentionné précédemment), mais aussi les inégalités de genre, les questions d’orientation sexuelle, l’anticapitalisme et la critique de la bourgeoisie.

Un bon exemple est la scène de l’accouchement, où l’une des deux comédiennes simule une mise au monde compliquée, hurlant à la mort. L’effet produit : un embarras visible dans le public, très probablement voulu par Werro. Encore une fois, un message féministe transparaît à travers cette scène, qui semblait pourtant quelque peu déconnectée du fil conducteur. Ces parenthèses, aussi déroutantes que fortes, rendaient parfois la compréhension du propos un peu difficile, mais participaient à sa singularité.

Intolérances et Paralysie a donc été une pièce chargée de messages forts, de thématiques importantes que la société nous dissimule. Malgré quelques moments de vide et quelques scènes venues de nulle part, l’excellente utilisation des costumes, de la lumière, et du son ont permis de marquer le public, qui est sans doute parti enrichi par cette expérience.